Alexia Rey, Penser l’agriculture de demain. 

Alexia Rey, Penser l’agriculture de demain. 

Co-fondatrice de Neofarm, un nouveau modèle de maraîchage, Alexia Rey est une « entrepreneuse de l’essentiel » : 

« De plus en plus de jeunes s'orientent vers les secteurs qui ont du sens, de l’impact, qui contribuent à l’essentiel, comme se nourrir. C’est le choix que j’ai fait avec Neofarm. » 

Pour comprendre cette motivation, nous avons repris son parcours depuis le début. Après une enfance en mouvement, Alexia Rey a rejoint Paris pour intégrer Sciences po : 

« J'ai grandi en France, dans plusieurs endroits : je suis née dans le Sud, puis j’ai vécu en Bretagne, en Île de France, à l'Île Maurice… Après mon bac, je suis partie étudier à Sciences po. Au début, cette école m'intéressait pour le journalisme. Je souhaitais rencontrer des gens, comprendre leurs histoires, les raconter. 

Lors de mon passage à Sciences Po, j’ai aussi découvert l'entrepreneuriat et le monde de l’entreprise à impact. Ça m'a beaucoup plu. En parallèle, j'ai eu des expériences dans le conseil auprès d'acteurs de l'économie sociale et solidaire, en finance, en banque… J’ai toujours eu des expériences avec une dimension d'engagement social ou environnemental. » 

Puis, c’est une expérience en start-up qui va marquer un tournant majeur dans la carrière d’Alexia Rey : 

« J’ai ensuite travaillé dans une start up en crowdfunding qui proposait le financement participatif en equity à des projets d'entreprises. À force de voir des nouvelles entreprises, d'accompagner des entrepreneurs dans des phases importantes de leur développement, j’ai commencé à vouloir moi aussi me lancer. 

Simultanément, j’ai constaté qu'était née dans ma vie professionnelle une sensibilité écologique, comme dans ma vie privée, puisque j'approchais de la trentaine, et je crois que c’est un cap lors duquel il y a une prise de conscience de l'urgence des enjeux climatiques. De là est née l'envie de m'investir. 

Avant, je voulais faire du journalisme, raconter des histoires, mais au fil du temps, j'ai plutôt eu envie de m'impliquer et d'être actrice face aux défis environnementaux qui nous attendent. »

Alexia Rey est alors déterminée à se lancer à son tour dans l’aventure de l’entrepreneuriat à impact. Plus particulièrement, elle choisit de s’intéresser au secteur de l’agriculture : 

« Je me suis d’abord formée. Premièrement avec des immersions assez courtes via le wwoofing, qui consiste à aller dans des exploitations agricoles et contribuer au travail en faisant du bénévolat. J’ai aussi découvert des projets, des formations courtes en agroécologie. Et puis j'ai passé un diplôme d'agriculture, un brevet de responsable d'exploitation agricole spécialisé en maraîchage biologique. »

Mais Neofarm n’est pas une aventure solitaire. Alexia Rey s’est entourée : 

« C'est ma rencontre avec mon cofondateur qui a lancé l’étincelle de l’aventure entrepreneuriale. Olivier Le Blainvaux est également le cofondateur du startup studio Technofounders, plutôt axé sur des startups à forte dimension d'innovation, avec des deeptech, des projets issus du monde de la recherche... Le start-up studio avait déjà lancé des entreprises dans le secteur de l’agriculture, donc Olivier avait une certaine expertise. 

On a commencé par tester le marché pour voir s'il y avait un intérêt, un potentiel économique sur le projet. Et on a lancé le projet quelques mois après. » 

Ce projet ambitieux part d’une conviction commune :

« On était assez convaincus que l'innovation était un outil qui pouvait être mis au service de l’agriculture. Nous sommes partis de plusieurs constats, qui sont  : 

D’abord, le réchauffement climatique. L’agriculture est un secteur contributeur au réchauffement climatique. À l'échelle nationale comme à l’échelle internationale, ça représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Mais l'agriculture est aussi une victime de tous les aléas climatiques. En parallèle, il y a une question sur la biodiversité, qui est nécessaire pour qu'on puisse continuer à produire et à se nourrir…

Le deuxième enjeu est celui de la souveraineté alimentaire. Aujourd'hui, en France, nous importons une grande partie de notre alimentation. Notamment 50% des fruits et légumes que nous consommons. Nous ne sommes pas autonomes, et nos importations proviennent d'autres pays qui sont aussi victimes des conséquences du réchauffement climatique. Donc, il faut vraiment relocaliser notre alimentation.

Et le troisième enjeu, c’est le renouvellement des générations d'agriculteurs. Chaque année, on perd des agriculteurs, des fermes disparaissent ou sont absorbées par d'autres plus grandes exploitations. Aujourd'hui, plus de la moitié des agriculteurs ont plus de 50 ou 60 ans et d'ici la fin de la décennie, on estime que le nombre d’agriculteurs se verra réduit de moitié par ces départs à la retraite. Il y a une nécessité d’attirer dans les métiers de l’agriculture. C’est traditionnellement un métier qui se transmet de famille, mais c'est en train de bouger. 

Il faut aussi informer sur la pénibilité du métier, pour ne pas avoir d’effet de désillusion sur la reconversion professionnelle. Il faut assimiler le fait que l'agriculture est un secteur assez particulier qui peut difficilement se comparer à un autre monde économique. Être agriculteur, c'est un parcours de vie, ce n'est pas « juste un métier ». 

« À partir de ça, nous avons réfléchi autour d’un modèle vertueux pouvant répondre à ces problématiques et permettant de continuer à se nourrir tout en continuant à habiter la planète. Notre réponse a été l’agroécologie. En complément, la technologie semblait pouvoir bien s'articuler avec ces pratiques. Ils sont donc devenus les deux piliers de notre modèle. » 

Pour mettre en place cette vision, Neofarm propose un accompagnement long termiste : 

« Neofarm, ce sont des fermes qui sont installées sur des petites surfaces de quelques hectares, installées proches des villes pour s’inscrire dans une logique de proximité. Ces fermes, elles ont des surfaces sous serre, des surfaces en plein champ, beaucoup de zones de biodiversité… C'est un modèle complet. Nous sommes également préoccupés par l'autonomie des exploitations agricoles. Donc pour l’eau, nous avons développé des infrastructures de récupération et de stockage. 

Pour chaque ferme, on conçoit des solutions en fonction des spécificités des terrains, des parcelles où elles sont installées... Et une fois installées, on accompagne leur activité. 

C'est un modèle clé en main qui comprend la technologie, mais pas que. Lorsque ces fermes sont opérationnelles, des équipes sont recrutées pour travailler sur les fermes, et nous les accompagnons avec l'équipe centrale de Néofarm qui aide à la conduite des cultures, et apporte son support sur la distribution, le support administratif, financier, pour décharger les agriculteurs s’ils le souhaitent. » 

Pour le futur, Neofarm ne perd pas son ambition : 

« Nous allons poursuivre notre déploiement. Néofarm a été créé début 2018 et nous avons eu plusieurs années de recherches et développement sur la partie technologique. C’était une phase de documentation, d'agrégation de données, d'expérimentation… Ça a duré environ trois ans. Depuis deux ans, nous sommes dans une phase de déploiement où on installe les projets de fermes. Aujourd'hui, il y en a trois en activité. Les enjeux des années qui viennent, c'est de continuer à déployer des fermes, même des grappes de ferme sur le territoire. » 

Afin de clore notre entretien, nous avons questionné Alexia Rey sur le regard qu’elle porte sur le futur de l’agriculture en France : 

« Je suis assez optimiste sur le fait que c'est un secteur qui attire beaucoup, parce qu'il y a du sens à produire, à cultiver pour nourrir les citoyens et citoyennes. Ça me rend optimiste. C'est un juste équilibre et heureusement, il y a beaucoup d'initiatives, d'innovations, de changements dans le secteur, qui ne reposent pas forcément sur la technologie, qui sont en train de se mettre en place. C’est en bonne voie ! »

Portrait réalisé par Dare Society