Marion Carré, La transmission pour vision.

Marion Carré, La transmission pour vision.  

Ayant toujours rêvé d'être journaliste, rien n'avait prédestiné Marion à l'entrepreneuriat : « Je n'étais pas du tout partie pour devenir entrepreneure. Plus jeune, j'ai réalisé des stages pour devenir journaliste. J'étais bénévole pour une radio locale, rédactrice pour plusieurs blogs et j'ai même intégré le CELSA avec cet objectif . »

Passionnée d'Histoire, Marion entame ses études par une double licence Droit-Histoire. Mais lors de sa rentrée au CELSA (l’École des hautes études en sciences de l’information et de la communication), poursuivant sa licence de droit en parallèle, l'étudiante est contrainte d'arrêter sa licence d'Histoire, par manque de temps. Décidée à garder un lien avec la matière, elle lance en 2015 le blog Il était Paris : « Je trouvais qu'il s'était passé des choses incroyables à Paris. Lorsqu'on sillonne les rues, on n'en a pas idée. Donc je voulais permettre au plus grand nombre de redécouvrir l'histoire de la ville. Pour cela, j'ai réalisé des cartes interactives, des web documentaires interactifs, une chaîne YouTube, des infographies… J'ai vraiment utilisé tout ce que le web mettait à disposition en termes d'outils. 

Petit à petit, j'ai rassemblé une communauté de personnes qui me demandaient régulièrement des conseils de sorties culturelles. Et en parallèle il y avait des lieux culturels qui me contactaient pour travailler ensemble, afin de parler à mon audience qui était jeune et qu'ils avaient du mal à capter. » 

Ce premier projet a progressivement donné naissance à un nouveau : « Avec mon co-fondateur, Valentin Schmite, on a décidé en 2016 de répondre à un appel à projet du ministère de la Culture dans ce même objectif : rapprocher la culture de chacun. Nous avons donc proposé un chatbot de recommandation culturelle. Pour cela, nous partions de rien. Et un jour, j'ai reçu un appel du ministère de la Culture pour me dire qu'on était sélectionnés. Il y avait une subvention à la clé, représentant une aide décisive pour se lancer. Finalement c'est par accident que je suis arrivée à l'entrepreneuriat. »

Mais Marion reconnaît que si l'entrepreneuriat n'était pas sa première ambition, ce n'était pas un hasard : « J'avais l'image d'un entrepreneur qui était forcément un homme âgé, expérimenté. Ou alors sortant d’une école de commerce.  Donc ça me semblait aussi éloigné qu’inaccessible. »

Malgré l'aide apportée par la subvention, le défi reste de taille pour le duo : « On avait déjà identifié des ressources pour développer une première version du produit d'un point de vue technique. En revanche, pour ce qui était de structurer une entreprise, c'était la grande découverte. 

Ask Mona a évolué en test and learn. Nous sommes allés très tôt sur le terrain pour pitcher notre idée, et on a évalué ce qui séduisait ou non les interlocuteurs. C'est un conseil que je donnerais aux entrepreneurs : allez sur le terrain, soumettez vos idées et prenez les feedbacks. Ask Mona a évolué au sein de son écosystème pour trouver la bonne offre. 

Aujourd'hui on offre une suite de solutions IA pour faciliter l'accès à la culture et la circulation des connaissances. On propose une solution avant, pendant et après la visite d'un monument. Sur la partie avant on répond à toutes les questions d'accès pratique au lieu. Pendant la visite, on propose un audioguide personnalisé avec lequel on peut discuter, et qui répondra à n'importe quelle question posée. Pour l'après on a développé un magnet à l'effigie de personnages historiques ou d’œuvres d’art qui est vendu en boutique de musée. Le principe, c'est qu'au dos du magnet, il y a un QR code permettant de discuter avec l'intelligence artificielle du personnage.

On cherche toujours à tester nos développements sur le terrain. Avant de lancer notre dernier produit (le magnet intelligent), on se disait que cela pouvait être aussi bien une idée farfelue qu’une idée prometteuse. On n'était vraiment pas sûrs donc on a décidé de tester le concept à l'occasion d'un salon avec un magnet à l'effigie de Marie-Antoinette, et les gens se le sont arraché. »

Au fil de ces projets, l'équipe s'est construite : « On est une vingtaine de personnes aujourd'hui. On a une équipe tech et une équipe qui a des connaissances en Histoire de l'art, sur les institutions culturelles, les enjeux d'accueil du public… On a une double identité, à la fois très tech et très culture.

Progressivement, on a aussi séniorisé nos équipes sur les postes clés. Recruter la bonne personne au bon poste c'est vraiment un enjeu. Le défi de chaque entrepreneur, c'est de grandir avec son entreprise. Quoiqu'il arrive, il faut évoluer, mais en plus, il faut s'entourer des bonnes personnes. » 

Bien implantée en France, Ask Mona est aussi présente dans cinq autres pays et accompagne près de 200 acteurs culturels : « On a envie d'intensifier notre présence à l’international. Ça fait partie de nos enjeux de développement. Jusque-là, ça s'est fait par opportunité, mais on se rend compte qu'il y a un certain potentiel dans notre solution et qu'elle mérite d'être poussée à plus grande échelle. 

Aussi, on souhaite poursuivre notre mission pour faciliter l'accès à la culture. Au fond, ce qu'on fait, c'est  favoriser l'accès à la connaissance et son partage. Et nous pensons qu'il y a d'autres écosystèmes qui pourraient bénéficier de cette technologie, tels que celui de l'éducation. Ça fait partie des pistes qu'on souhaite explorer. » 

En parallèle d'Ask Mona, Marion se mobilise encore davantage pour la transmission à travers son premier livre "Qui a voulu effacer Alice Recoque". Publié aux Éditions Fayard, ce livre croise plusieurs récits avec une enquête pour redécouvrir qui était Alice Recoque, ainsi qu'une exploration des causes de l'invisibilisation des femmes dans les sciences et dans la tech : « Alice Recoque, c'est une pionnière française de l’informatique et de l'intelligence artificielle que tout le monde a oublié. Prenant souvent la parole sur les enjeux d'intelligence artificielle, je me suis rendue compte que je parlais beaucoup de pionniers de l'intelligence artificielle, mais jamais de pionnières. Alors j'ai commencé à me demander s'il existait des femmes qui avaient investi cet écosystème. Et j'ai redécouvert cette femme. Ce livre est important pour moi, car tout ce qu'on met en avant, les rôles models ça a de l'importance pour donner confiance et envie aux femmes de se lancer dans la tech. Alors j'ai voulu permettre la redécouverte d'Alice Recoque, mais aussi mettre en lumière les causes de cette invisibilisation. 

Finalement dans tous mes projets la transmission est le fil rouge. » 

Dare Society

Crédits photo : Aurélie Lamachère / Leextra / Editions Fayard