Alice Groth : l’émergence d’une nouvelle génération de fonds de capital risque

« En 2021, 88 % des fonds vont à des équipes uniquement masculines » 

Dans une interview accordée à Julien LATOUCHE, CEO et Fondateur de DARE SOCIETY, Alice Groth, Associate chez SISTAFUND est revenue sur l’émergence d’une nouvelle génération de fonds d’investissement plus engagés. Aujourd’hui VC associate chez SISTAFUND, Alice Groth investit en early-stage dans des équipes avec au moins une femme fondatrice, dans un écosystème où, en France, 88% des fonds ont été levés uniquement par des équipes 100% masculines (2021).  

 
« L’objectif à travers SISTAFUND est d’investir dans les prochaines licornes européennes. Aujourd’hui, malgré les écarts de financement, de nombreuses études montrent que les start-ups fondées ou co-fondées par des femmes génèrent plus de revenus. C’est une opportunité de performance financière qui est encore très peu adressée.»
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Ancienne du master X-HEC Entrepreneur, Alice Groth a débuté son parcours professionnel en travaillant  pendant trois ans en start-ups au stade Early stage, lui permettant d’avoir une première expérience opérationnelle et un aperçu du système de levée côté start-ups. Forte de cette première approche, Alice a ensuite rejoint l’équipe fonds de fonds de Bpifrance, participant à l’accompagnement de fonds de venture capital européens et américains, expérience structurante sur le fonctionnement technique d’un fonds de capital risque et des levées de fonds. C’est finalement ce poste qui a orienté sa carrière en VC chez Korelya Capital, en parallèle d’un engagement  pour la parité dans l’écosystème french tech.  

Alice a commencé pendant ses études cet engagement à travers l’association StartHer, créée par Roxanne Varza en 2010. 

« J’ai rejoint l’équipe bénévole de StartHer au moment de la mise en place des StartHer Awards, une compétition européenne pour les femmes entrepreneures à Station F. J’ai également repris l’organisation de la liste annuelle des Femmes à suivre, qui fête sa 10ème édition en 2023.  Au fur et à mesure, je me suis engagée de plus en plus dans l’association en parallèle de mes différents postes, jusqu’à la fusion avec le collectif SISTA fondé par Tatiana Jama et Céline Lazorthes ».  

Puis en janvier 2022 avec Tatiana Jama et Jérôme Masurel, Alice Groth a commencé l’aventure de  création d’un fonds d’investissement: SISTAFUND, lancé en partenariat avec 50Partners. Ce fonds a pour objectif de déployer €100m pour investir dans des start-ups fondées ou co-fondées par des femmes, sur des levées early stage en Europe et aux Etats-unis. Le fonds a fait un premier closing auprès de LPs individuels et de corporates comme la Française des Jeux, BNP Paribas ou encore L’Oréal. Cette thèse d’investissement a pour but, en plus de la performance financière, de diminuer les biais d’investissement en ayant une lecture différente du dealflow.  

« On a créé SISTAFUND avec une approche très entrepreneuriale. On se positionne avec la force du réseau de SISTA NGO, et à travers nos Limited Partners, à l’instar de Steve Anavi, fondateur de Qonto, ou encore Nathalie Balla, coprésidente de La Redoute, nous pouvons bénéficier de la forte expertise sectorielle de ces entrepreneurs chevronnés. »

Grâce à son expérience concrète du marché et les investissements réalisés par les fonds, Alice Groth analyse que désormais, les fonds de Venture Capital vont investir de plus en plus dans des entreprises qui vont avoir « un impact sur la société et l’environnement, qui vont changer les habitudes des gens et instaurer de nouvelles pratiques, à l’instar de Résilience, fondée par Céline LAZORTHES qui accompagne des malades atteints de cancer. L’impact sera bientôt (et est déjà dans beaucoup de fonds) une condition pour un investissement».  

Par ailleurs, Alice Groth est elle-même passée par la case entrepreneuriat, et a au cours de ses études créé une MarketPlace de seconde main pour le matériel de sport d’extérieur.  

« Mettre en pratique le lancement d’une start-up donne beaucoup de recul sur le côté paillette de l’entrepreneuriat. L’additionner à la réalité, vues à travers des proches entrepreneurs, et donc à l’envers du décor de la création d’entreprise et de la difficulté des levées, permet de développer beaucoup d’empathie pour les entrepreneurs. Pour être entrepreneur, il faut être résilient, c’est un challenge de tous les jours, particulièrement avec le ralentissement du marché, l’argent a plus de valeur et est donc plus difficile à lever  ». 

« Il y a différents types d’entrepreneurs, et ceux qui ont connu un échec et remontent une entreprise sont pour moi particulièrement intéressants à suivre. C’est forcément positif d’être passé par ces difficultés. Dailleurs, dans une interview, j’avais entendu un VC américain dire que son fonds investissait uniquement dans des repeat entrepreneurs qui n’ont pas réussi à faire fonctionner leur première start-up. SISTAFUND n’a pas forcément cette stratégie mais l’interview m’avait fait sourire ».  

Pour conclure notre échange, nous avons demandé à Alice Groth un dernier conseil à la nouvelle génération d’entrepreneurs et VC:

« Si je n’avais qu’un conseil à donner à des étudiants en sortant d’école: il ne faut pas hésiter à aller solliciter des personnes de différentes industries. J’ai mis cela en pratique pour entrer à X-HEC Entrepreneur, puis pour travailler en VC : les gens sont souvent enclins à parler de leurs expériences passées ou présentes, académiques ou professionnelles, particulièrement si leur interlocuteur a de vraies questions précises. Les opportunités que cela peut engendrer sont nombreuses et le réseau qui en résultera sera capital quel que soit le métier.  ». 

Interview réalisée par Julien LATOUCHE.