Graffi (PNY) : ouvrir chaque mois les meilleurs restaurants de burgers

L’entrepreneur peut changer la vision d’un problème en le voyant comme un défi et non un obstacle.

 

Si aujourd’hui PNY est une chaîne de restaurants rythmant leur activité par des ouvertures tous les mois, avec une popularité en hausse et une fréquentation qui ne cesse de croître, c’est grâce à un duo hors du commun. La rencontre improbable de deux précurseurs de la vision entrepreneure qui leur a permis de créer l’institution du Burger.

Graffi Rathamohan, co-fondatrice de PNY (Paris New York), a grandi dans une famille modeste en tant que fille de parents immigrés sri lankais. Elle a toujours travaillé pour sa réussite, mais pour elle, la petite étincelle de son succès est le soutien et l’amour que lui a offert ses parents. Elle a évolué avec un père qui la challengeait toujours avec son « Et pourquoi pas ? », avec une éducation qui lui a permis de croire en elle. Toujours première de la classe, après une classe préparatoire elle a intégré HEC et a rencontré son pourquoi pas à elle, Rudy Guénaire.

En janvier 2011, le jeune homme envoie à la future co-fondatrice de PNY un message quelque peu inhabituel « On ne se connait pas mais on m’a parlé de toi. J'aimerais bien monter un restaurant de burger, est-ce que ça te dit ? ». C’est tout simplement comme ça que commence l’aventure PNY.

L’idée de ce restaurant en dehors des normes est venue de manière aussi unique que ce message. C’est lors de sa traversée des rocheuses de la frontière mexicaine à la frontière canadienne à pied que Rudy Guénaire imagine ce projet

« Au bout d’une semaine, il ne pensait qu’à manger, boire et dormir. Il croisait plein de restaurants de burger, concept qui n’existait pas en France parce que tout s’exporte des US avec 10 ans de retard.

De retour en France, l’idée fait son bonhomme de chemin. A l’époque, on payait 20€ pour un burger, des frites et une boisson de mauvaise qualité par des gens mal payés dans des restaurants super spécialisés qui ne ressemblaient à rien. On se disait qu’à ce prix ,l’expérience client pouvait être carrément mieux. On se lance dans l’aventure dans l’idée de faire les choses bien à la fois dans l’assiette, au niveau du staff, dans le décor et en termes d’impact. Tout ce que l’on rejetait dans l’offre existante nous a donné envie de se lancer dans l’aventure. »

Dès la première rencontre, ils ont pu construire leur projet, imaginer leur business plan et proposer un modèle dans l'objectif de se faire accompagner au sein d’X-HEC Entrepreneurs. Tous les deux étaient portés par l’hospitalité, leur symbiose était évidente et alliait passion et défi. Les rôles se séparent naturellement. 

« On dit qu’on est restaurateur dans les tripes et chefs d’entreprise dans la tête. Lui fait en sorte que le client vienne chez PNY et moi je fais en sorte qu’il revienne. Concrètement, il a une vision artistique, il s’occupe de trouver des emplacements, de l’architecture, de la communication. Et moi plutôt de la food, des ressources humaines, et de la fidélisation de la clientèle. » 

Dès le début, leur intention est de tout faire mieux que ce qui existe déjà. Cela se conçoit par le biais d’un restaurant engagé, avec un impact carbone faible, une nourriture de qualité, des produits frais et de proximité, un service de la meilleure qualité possible pour sa clientèle. Il leur était aussi primordial d’embarquer leurs employés dans cette aventure et de les fidéliser. Sur cela aussi, ils ont décidé de tout faire autrement, pour garder un maximum leur talent.

« C’est devenu une valeur clé de construire les choses dans le bon sens. Je trouvais ça fou d’avoir autant de variables dans le salaire, ça créait beaucoup de frustration. Donc j’ai fini par leur demander de me dire combien chacun voulait être payé. Sur le moment, j’essayais juste de m’enlever une épine du pied, mais ça nous a aussi permis d’avoir 0 sujet de recrutement ou de fidélisation. »

Derrière toute réussite, il y a des doutes et des inquiétudes. Et s’ils avaient pris le temps d’écouter leur entourage, l’aventure n’aurait probablement pas été la même.

« Au début, on nous disait que l’on n’avait pas fait HEC pour ouvrir un restaurant. A cette époque, la restauration c’était la dernière roue du carrosse et juste faire ce que l’on aime était bizarre. J’ai commencé en cuisine ce qui a été difficile pour mes parents car dans les restaurants parisiens c’est notamment des sri lankais en cuisine. Ils ne comprenaient pas pourquoi m’avoir payé des études pour ‘’ça’’. C’est là où ils ont été très forts, ils m’ont dit ‘’on ne te comprend pas mais on te fait confiance’’ ».

Grâce à la volonté et à la minutie du duo, les engagements payent. Dès l’ouverture, le restaurant ne désemplit plus et ils comprennent que leur concept devait continuer à se développer.

« Je ne changerai rien de ce qu’on a fait pour l’ouverture du premier restaurant. On avait tout bien fait, coché les bonnes cases. On a été rentable mois 2 et c’est à ce moment-là, en voyant le monde, que l’on a décidé d’ouvrir un 2e PNY juste à côté. Et rebelote. Puis dans le marais, gros succès aussi. On en ouvrait 1 par an, on savait qu’on tenait un truc. »

Au bout de 5 ans, une routine s’est installée, ce qui ne plaisait pas aux deux fondateurs. Ils ont décidé de changer leurs objectifs, impactant alors toute leur activité. Leur rythme d’ouverture de restaurant est passé d’un par an à un rythme effréné d’un restaurant par mois. Ce qui équivaut à avoir une cinquantaine de restaurants dans 5 ans, et en poussant au-delà des frontières.

« Avec ce nouvel objectif, on est devenu une start-up 10 ans plus tard. Notre mindset nous a poussé à lever des fonds, constituer un bureau, préparer des reportings. On s’est ajouté des contraintes mais sans tout ça, on ne pouvait pas le faire. Je pense qu’en grossissant, il faut se structurer, et les investisseurs nous apportent ça. Ils ont fait le pari sur une équipe. »

Ces responsabilités, Graffi Rathamohan les prend à cœur. Pour elle, être un entrepreneur n’est pas un rôle comme un autre. Dans un monde où les débats sont nécessaires mais ont un aspect moralisateur, les entrepreneurs peuvent apporter une vision positive et innovatrice. Elle y voit une possibilité de faire changer les esprits.

« Les problématiques peuvent aussi être vu comme un défi positif, il y a 2 faces à la même médaille. On peut proposer des solutions, apporter des innovations, faire changer les esprits. On est de ceux qui peuvent retirer les grains de sable dans la machine. Si j’ai de la place dans mon emploi du temps, je vais le consacrer à proposer des solutions : automatiser des tâches répétitives ou encore essayer de trouver comment réduire les déchets que produisent nos commandes en livraison (soit 20 à 30% du CA). »

 Ces nouveaux challenges ne sont pas des moins conséquents. Bien que ces ouvertures pourraient les disperser de leur ligne de conduite, pour eux il n’y a qu’un objectif en tête.

« On sera fiers quand on arrivera jusqu’au bout à faire en sorte que tout le monde ait gardé le sens originel de PNY. Que n’importe quel staff sache pourquoi il se lève le matin, que l’entreprise se développe avec les mêmes valeurs. Que tous ceux qui travaillent avec nous le fassent avec envie. »

Julien LATOUCHE