Hugo Volpei, repenser l'espace
Nombreux sont les étudiants hésitants au moment de choisir leur voie. Hugo Volpei, lui, a choisi de réunir toutes ses passions pour créer son métier.
« Plus jeune j'hésitais, je voulais être architecte, ouvrir des restaurants, le commerce m'intéressait aussi… À 18 ans, j'ai rejoint une classe préparatoire à Paris, après quoi j'ai étudié à HEC. J'avais envie d'être entrepreneur car j'étais animé par la création. Et mon métier d'aujourd'hui me permet de faire coïncider toutes mes envies. »
Le point de départ de l'aventure entrepreneuriale de Hugo Volpei, c'est une rencontre :
« Pendant mes études, je suis parti à Londres, où j'ai découvert le restaurant SKETCH, un bâtiment dans lequel il y a deux restaurants, trois bars, et où il y a, dans chaque espace, une expérience drastiquement différente.
On y trouvait notamment une immense pièce dédiée aux toilettes, avec un plafond de multiples couleurs, des miroirs déformants, des bruitages, et des grands œufs en plein milieu de la pièce qui sont des cabines de toilette. C'était dingue, les gens se prennaient en photo partout.
Et une fois qu'on ouvrait l'œuf, il ne se passait plus grand chose. C'était des toilettes classiques. Ce qui était frustrant car ils ont poussé le design là où personne ne l'emmenait mais n'ont pas été au bout. »
« Pour ma part, je voulais ouvrir des restaurants en sortant de l'école, et lors de cette visite, c'était la première fois que je voyais quelqu'un dépasser la frontière des toilettes en matière de design.
À cette époque, des restaurants aux décorations plus poussées émergeaient et la restauration devenait de plus en plus expérientielle. Mais par contre, il ne se passait jamais rien après la porte des toilettes. Je trouvais que les sanitaires étaient l'un des derniers espaces qui permettaient d'être clivants en tant que nouveau restaurateur. Et j'ai en plus détecté l’attraction que des toilettes design pouvaient générer par le nombre de selfie que les gens prennent dans les toilettes de SKETCH. »
Ce constat, mêlé à sa volonté de créer, conduit Hugo Volpei à fonder Trone. Trone, c'est la rencontre de l'artisanat, du design et de l'ingénierie pour créer des toilettes design, novatrices, qui réinventent l'intime.
« En fin de master, j'avais quelques mois pour bosser sur un projet personnel et je savais que si je ne le faisais pas à ce moment-là, je ne l'aurais jamais fait. Du coup, je me suis lancé sur Trone.
J'ai demandé à l'un de mes meilleurs amis d'enfance, Romain Freychet, qui est architecte, de m'aider à modéliser ce à quoi pouvait ressembler la réinvention des toilettes. Cette modélisation était capitale car quand j'annonçais l'ambition de réinventer les toilettes, ça faisait un peu sourire et pas grand monde me prenait au sérieux. Il me fallait un support pour crédibiliser le projet. »
« Trone, c'est à la fois créer un objet, mais c'est aussi de créer une marque autour de cet objet. Sur le secteur, l'enjeu est énorme. On a décidé de créer du désir sur un objet qui n'en a jamais suscité. Le challenge et le sujet de la brand est passionnant. »
Finalement, le projet est lancé :
« Quand j'ai eu une modélisation, je suis entré à Station F, où il y avait un espace restauration occupé par Big Mamma, qui était encore en travaux. J'ai immédiatement pensé que pour lancer Trone, ce serait une belle visibilité. Je suis alors allé voir l'équipe de Big Mamma avec une modélisation 3D de l'objet que je voulais créer, mais je n'avais rien : pas de partenaires industriels, pas de société immatriculée, pas d'ingénieurs dans l'équipe. Je leur ai montré la modélisation, le projet, notre capacité à créer des univers, et en 10 jours, ils ont donné leur accord.
On a eu cinq mois pour produire sept toilettes. Du coup, on s'est mis en ordre de bataille et on a fait une ouverture avec ces toilettes qui avaient beaucoup de défauts. Mais on a fait l'ouverture. »
Pendant ce sprint, l'entrepreneur s'est entouré :
« Durant cette course contre la montre, j'ai été rejoint par Romain, puis par Camille Mourgues, ingénieur, qui allait rendre cette vision des sanitaires fonctionnelles. Du coup, on avait les trois compétences : moi, je vendais, Romain dessinait et Camille concevait techniquement. »
« Au début, quand on a lancé le premier modèle, il fonctionnait à peine. Il tenait 24, 48 heures maximum, et ce pendant plusieurs semaines… Il a donc fallu fiabiliser le produit. »
Une fois le produit fiabilisé, il a fallu développer l'entreprise :
« Pour développer Trone, il fallait premièrement créer des toilettes installables par tous les plombiers, parce que sinon, ce n'était pas très scalable comme projet. Pour cela, nous avons notamment travaillé avec le meilleur ouvrier de France de plomberie sanitaire.
Ensuite, il a fallu prouver qu'il y avait un marché. Après un premier client, il fallait valider l’attraction commerciale. Aujourd'hui nous sommes très fiers de nos travaux, nous avons eu l'honneur de travailler avec de grands groupes d'événementiel, de restauration, nous avons collaboré avec de grands chefs, de grands pâtissiers, de beaux hôtels, des entreprises, des agences d'architectures, et nous faisons 30% de notre chiffre d'affaires à l'international. Donc nous pouvons dire que nous avons bien validé. »
Pour atteindre cette validation, Trone a dû faire face à des défis design, mais pas que. À chaque industrie ses challenges :
« Notre plus grande difficulté a été de fiabiliser la production. En 2021, pendant six mois, notre partenaire industriel n'a pas réussi à nous sortir un produit de terre, au moment où nos ventes explosaient, ce qui a généré pas mal d'insatisfactions clients.
Les problèmes industriels qu'on a connus ont forgé Trone et font qu'aujourd'hui nous sommes beaucoup plus solides qu'on ne l'était il y a deux ans. Donc oui, il y a des échecs, mais c'est constitutif d'une réussite future.
L'industrie, ce n'est pas évident. Il faut avoir de l'expérience. Nous sommes vulnérables et parfois dépendants. Si demain il arrive quelque chose à l'un de nos partenaires, il faut pouvoir travailler avec quelqu'un d'autre. Si le cours des matières premières explose, ce qui a été le cas, il faut trouver des solutions. Le plus grand challenge a été d'acquérir de l'expérience et de la maturité sur le sujet industriel. »
Après la validation de l’attraction commerciale, la résilience industrielle, Trone est portée par l'ambition de son équipe :
« Nous allons nous étendre à la salle de bain progressivement. Notre première mission, c'est de réinventer l'expérience aux toilettes. Cette ambition s'inscrit dans une vision plus large qui est « Build a new bathroom experience », et finalement, notre plus grande ambition est de « Redefine essentials » . On pourrait même réinventer l'extérieur de la maison. Nous ne nous limitons pas. »
À travers ces ambitions, Trone s'engage :
« On essaie de porter Trone en ayant un impact sociétal et environnemental positif.
Premièrement, pour limiter nos transports, on fabrique en circuit court, entre la France et l'Italie.
On se demande également comment améliorer nos matériaux : typiquement, nous travaillons avec la céramique, qui est cuite à 1 280 degrés pendant 24 heures dans un four qui marche à l'électricité ou au gaz. C'est très énergivore. On se questionne donc sur l'évolution des méthodes de production. Puis, on se demande comment limiter la consommation d'eau sur nos toilettes.
Sur d'autres enjeux, plutôt sociétaux, on travaille avec un logisticien qui est le premier logisticien à mission en France. Notre assembleur, lui, est une entreprise adaptée, qui favorise l'emploi de personnes handicapées. On essaie de faire du mieux qu'on peut, sur toute la chaîne. »
Aujourd'hui, Hugo Volpei est un entrepreneur heureux. Il a réuni toutes ses passions dans son métier, et défend son projet avec enthousiasme :
« La valeur centrale de tout ceci, c'est la passion. Je suis passionné par ce que je fais, car j'aime les clients pour qui nous travaillons, j'aime les prescripteurs avec qui je discute, le produit qu'on crée. J'aime créer une marque forte, voir des artisans fabriquer nos produits, aller dans les usines. Je pense qu'avec passion, on soulève des montagnes. »
Pour clore cet entretien, nous avons demandé à l'entrepreneur quels seraient les conseils qu'il donnerait à un futur créateur :
« Il faut se faire confiance. Quand j'étais jeune, je me suis fait confiance. J'ai fait pleins d'erreurs, mais c'est normal. Je n'aurais pas pu tout savoir à 16 ans.
De plus, pour être entrepreneur, il faut savoir se jeter à l'eau. Nous, c'est ce qu'on a fait, on est allés voir l'équipe Big Mamma, alors qu'on on avait qu'un dessin de notre projet. Rien d'autre.
Après, il faut savoir s'entourer des bons partenaires, des bonnes équipes, au début des bons stagiaires, des bons investisseurs, c'est la clé. Et pour ça, il faut être sincère. Quand nous nourrissons des relations sincères, nous créons des relations fortes basées sur la confiance qui sont primordiales pour travailler ensemble.
Je dirais que ces trois principaux piliers sont centraux, combinés à de la passion. On est capable de faire énormément de choses avec du travail, de la motivation et parfois un peu de talent. »
Portrait réalisé par Dare Society