Malek Semar : SON COMBAT Pour l'accès à l'eau potable

Ce qui fait la saveur des choses, c'est leur rareté.

Né en Kabylie, Malek a grandi dans un village sans eau ni électricité, avec la culture de l’effort et du partage comme valeurs premières. Chaque jour, il parcourait plusieurs kilomètres à pied pour rapporter l’eau et a ainsi mesuré l’importance de son approvisionnement et sa qualité.  La cause de l’eau, comme projet de vie, devient une évidence. Avec No Water No Us il lance une initiative collective et économique, pour rétablir le lien entre l’Eau et l’Humanité et avec France Industries Assainissement il innove avec une station d’épuration totalement intégrée dans un container.

Mais le chemin a été long, et, aujourd’hui il nous raconte son parcours.

En arrivant en France à ses 8 ans et demi, Malek Semar découvre l’eau 24/7 au robinet, mais la valeur de chaque goutte était déjà ancrée pour la vie. Celle-ci aura des conséquences sur ses projets des années plus tard.

Il fait des études Télécoms qu’il complète par un DESS (Master) management pour l'Ingénieur à Paris 6. Il s’envole alors pour les Antilles où il partage son temps entre son poste de CTO et navigation, tout en profitant du confort de vie que lui offrait ces îles. Il y travaille pendant 4 ans mais se rend compte que même au paradis, on peut s’ennuyer. Il rentre en France pour co-fonder le premier opérateur Télécoms en mode cloud pour les centres de contacts. Précurseur de la voix sur IP et des plateformes Cloud, Malek devient acteur majeur de la relation client et la société s’étend en Europe, aux Etats-Unis et sur quasiment toute l’Afrique. L’entreprise explose.

 Entre 2010 et 2016, Malek découvre l’école de la vie, ce qui l’oblige à changer de chemin, ou plutôt à revenir sur son chemin.

En 2016 il co-fonde Glob, pour concurrencer Waze et Google, rien que ça. Glob atteint 4 millions d’utilisateurs, de nombreux partenariats sont signés. Le projet se met en pause du jour au lendemain. Malek voulait aller trop vite ; encore une leçon de l’école de la vie, les bonnes choses prennent du temps.

Retour à la source et à l’origine de toute chose : l’eau. Il passe un diplôme sur la gestion de l’eau à l’université de Genève et la découverte d’un chiffre le hante : dans le monde, 80% des eaux usées sont rejetées dans la nature sans aucun traitement. Cela devient un combat. En France, pays très équipé, la problématique de l’eau et notamment des eaux usées sont prises au sérieux. “Je pense que c’est une faute grave de ne pas avoir sensibilisé toute la planète à la gestion des eaux usées car on connaît les conséquences dramatiques de cette pollution. Comment expliquer que 60% de la population mondiale n'a pas accès à l'assainissement ?”

L’eau en tant que déchet a non seulement des conséquences sur la biodiversité mais aussi sur la santé des populations environnantes. Et lorsque qu’un pays manque d’eau, cela se traduit par un ralentissement économique. C’est la raison pour laquelle Malek Semar, et son associé et spécialiste des eaux usées, Jacques Momeux, ont voulu s’y atteler.

“Techniquement, les astronautes recyclaient déjà leurs eaux usées pour aller sur la Lune, donc les solutions existent depuis longtemps. Notre mission est de préserver l’eau notamment via la potabilisation et surtout le traitement des eaux usées. Avec notre solution AquaMaxHR l’objectif était simple : plus de data et moins de béton avec une station d’épuration mobile, compacte et moins chère.”

L’objectif était clair, trouver un moyen de traiter les eaux usées du plus grand nombre et sans gros travaux. Le support était une évidence car le container, qui a révolutionné la logistique et le commerce mondial, est le même dans le monde entier.

“C’est mobile, efficace et moins cher ; on va le digitaliser pour le rendre intelligent et ainsi prédire les maladies par exemple. On veut installer des stations partout, pilotables à distances, en mode location pour les chantiers éphémères, les camps de réfugiés ou encore les bases vies ou militaires.”

Les solutions concurrentes en container existent. Ces solutions atteignent des capacités de traitement comprises entre 500 et 700 EH (équivalent habitants) dans un 40 pieds.

“Nous savions où nous devions nous améliorer et nous avons atteint 1500 EH dans un 40 pieds tout en gardant le même prix de vente. Après la tempête Alex dans le sud de la France, le groupe Vinci a fait appel à nous et notre solution est venue en remplacement de la station traditionnelle de Roquebillière emportée par les eaux. Initialement nous avons pensé ce projet pour l’Afrique mais c’est une grande fierté d’avoir remporté ce projet dans la Vallée de la Vésubie sur un projet de remplacement d’une station classique.”

 Le projet fonctionne et plaît. Ces conteneurs permettent d’économiser de la place, de rendre l’eau utilisable, et bientôt de valoriser les boues en sortie pour faire du bio compost ou encore de l’énergie. L’eau est rejetée dans les normes, ce qui améliore considérablement la qualité de vie.

 “Nous en sommes au début. En août 2022, cela faisait une année que la première station fonctionnait. Le projet commence maintenant. Les demandes sont nombreuses d’autres stations arrivent, notamment en Afrique.”

En plus de ce projet industriel, Malek Semar est très engagé. Comme il le dit, l'art et le sport sont nos meilleurs bagages pour le monde de demain alors il s’appuie dessus pour fédérer et sensibiliser autour de l’eau.

“No Water No Us sensibilise et agit pour l’eau. Notre Mission se concentre principalement sur l’accès à l'eau, son assainissement, sa gestion ainsi que les impacts du climat et les conséquences sur la biodiversité. Pour cela nous menons, soutenons et accompagnons les actions qui donnent accès à l’eau au plus grand nombre. Avec notre spectacle L’Eau Mais, labellisé Saison Africa 2020 nous traversons 9 pays d’Afrique pour sensibiliser à l’eau, avec Cycle For Water, nos 4 ambassadeurs et étudiants parcourent 100 000kms pendant 15 mois et traversent 20 pays pour sensibiliser à l’eau.”

D’autres actions sont en tête pour le côté associatif avec des événements qui apporteront leur pierre à l’édifice, notamment sur le côté transmission et éducation ; Malek est également le référent Art et Sport pour l’Ordre Africain des Grandes Écoles et des Universités.

Pour AquaMaxHR, le travail ne fait que commencer également. “Notre prochaine étape est le business, le chiffre d’affaires double depuis 2 ans et nous tenons à garder le côté sociétal et environnemental comme fil d’Ariane. L’objectif est une usine en interne pour recycler des containers en station d’épuration ; une bonne solution ne dispense pas d’une bonne exécution alors nous restons vigilants à chaque étape. Nous venons d’embaucher 3 personnes dont un ingénieur hydraulique et nous continuons à chercher des profils engagés pour tenir le cap dans le temps. Je répète souvent que nous avons le meilleur modèle économique du monde ; gagner de l’argent en sauvant des vies tout en préservant la planète. Le défi de l’assainissement mondial est immense ; même si nous sommes une goutte d’eau dans cet océan nous voulons qu’elle soit propre car une goutte d’eau propre suffit pour faire un monde meilleur et chaque goutte compte”

 Interview réalisée par Julien LATOUCHE.