À 26 ans, Pascal Asselin est un des co-fondateurs de Morfo, une entreprise qui développe une solution innovante pour la restauration des écosystèmes forestiers. Avec 75% de la surface terrestre altérée par l'activité humaine, la faune et la flore sont contraintes de se replier dans des espaces de plus en plus réduits. Dans ce contexte, la reforestation est devenue essentielle pour garantir le maintien de nos conditions de vie sur Terre. Morfo s'attaque à ce défi crucial en facilitant et accélérant le processus de restauration écologique.
« En pratique, nous procédons à l'analyse de vastes zones dégradées, en travaillant en collaboration avec des semenciers locaux pour choisir les espèces végétales à replanter. Nous déterminons les conditions optimales pour la plantation, revitalisons jusqu'à 50 hectares par jour à l'aide de drones, et surveillons l'évolution du processus pendant plusieurs années. »
Pour Pascal, qui s’est associé à son frère et à un de leurs amis pour lancer Morfo, ce projet fait écho à son enfance en Guyane : « Notre père faisait de l’orpaillage en Guyane française, il cherchait de l'or là-bas. C'est un métier qui est extrêmement lié à la forêt, notamment parce que dans le cadre de cette activité, il y a une phase de déforestation, une phase d'exploitation et une phase de reforestation. On a passé pas mal de week-ends dans notre enfance sur ces chantiers ! ».
Après son enfance entre Cannes et la Guyane, Pascal gagne Paris pour entamer une classe préparatoire aux grandes écoles : « J'ai adoré cette période. Au lycée, j’étais bon élève mais je travaillais peu. Lorsque je suis arrivée en prépa, je suis tombé dans un bain intellectuel assez fou dans lequel les gens qui avaient grandi à Paris baignaient déjà depuis longtemps. Ça a été un choc énorme pour moi. »
Pour rattraper ce retard Pascal se retrousse les manches et met à profit ses qualités organisationnelles : « Mes camarades travaillaient énormément, je me suis vite dis « comment je fais pour travailler encore plus ? » parce que je n’étais pas au niveau. Donc j’ai bossé comme un fou, je commençais vers 6h30 ou 7h, jusqu’à 1h ou 2h et ce pendant presque 2 ans. Heureusement, j’aimais ce que je faisais ! Lorsque quelque chose m’intéresse, je me mets à fond dedans. »
À l’issue de ces deux années à Paris, Pascal intègre l’EM Lyon : « À l’époque, je ne savais pas ce que je voulais faire. Mais, c’est assez marrant, puisqu’il fallait bien que j’arrive avec un projet pour paraître très motivé à mes oraux d’entrée en école de commerce, j’avais déjà parlé à l’époque de projets de reforestations sans penser que j’allais finalement vraiment le faire ! »
Lors de sa première année à l’EM Lyon, Pascal réalise un semestre en Birmanie : « C’était une expérience passionnante. La Birmanie s’est « ouverte » à la démocratie autour de 2015 et moi j’y suis arrivé en 2017. »
« J’y ai vécu une expérience professionnelle assez dingue. J’ai travaillé six mois pour Daraz, un groupe fondé au Pakistan. C’était un peu l’équivalent d’Amazon mais en Asie du Sud. La culture dans cette entreprise était de prendre des jeunes pas forcément expérimentés et de les placer à des postes avec beaucoup de responsabilités. À ce moment-là, c’est tombé sur moi. J’avais 20 ans, j’avais jamais vraiment travaillé et ils m’ont chargé de gérer les opérations pour environ 30 personnes directement. Globalement, c’était une mission logistique. C’était très difficile mais j’étais galvanisé, j’ai même un moment hésité à arrêter l’école et à travailler pour cette entreprise. »
De retour en France, Pascal poursuit ses études à Lyon et préside l’association d’audiovisuel de l’EM Lyon : « On était 33, donc c’était déjà une petite boîte qui tournait et qui avait vingt ans d’existence. On faisait des vidéos pour l'école, pour les événements, une émission liée à l’entrepreneuriat, des courts-métrages… Ça m’a encore beaucoup appris en termes de management, surtout que la plupart étaient mes amis, des gens de ma promo. »
C’est au cours de son année de césure que Pascal lance sa première entreprise : « C’était une legaltech dont le but était de simplifier toutes les démarches administratives pour les entrepreneurs, que ce soit la création, la modification de boîtes ou la fermeture. Tous ces trucs très contraignants, le but était de les automatiser et de les rendre moins chers pour enlever cette charge de stress dans la vie des entrepreneurs. »
Cette aventure entrepreneuriale, qui a duré quatre ans, s'est conclue définitivement en décembre 2022 avec la revente de l’entreprise. Ce qui lui permet désormais de se concentrer à 100% sur Morfo, son entreprise actuelle.
« Je me suis associé avec mon frère et mon meilleur ami de prépa. On s’est rendu compte en commençant à travailler tous les trois qu’on était hyper différents alors même qu’on pensait être un peu pareil. Ça a finalement été une bonne chose puisqu’aujourd’hui on est très complémentaires : Hugo, mon frère, qui adore le terrain et qui a un diplôme d'ingénieur système embarqué, a pris en charge la gestion des opérations ; Adrien lui a une grosse appétence scientifique, c’est donc lui qui a plutôt pris en charge la partie recherche et développement ainsi que la partie commerciale. Quant à moi, je m’occupe plutôt des aspects organisationnels, ça veut dire beaucoup de choses mais il faut comprendre qu’on est une entreprise qui emploie du monde à Paris, en remote en France à Grenoble, Nantes, Bordeaux. On a un salarié au Gabon, quatre personnes au Brésil. Et toutes ces personnes ont des profils très différents avec un énorme enjeu de diversité, qui représente un très beau challenge ! »
C’est d’autant plus un challenge que le nombre de salariés de Morfo augmente très rapidement : « On a levé des fonds en novembre dernier. On était cinq à ce moment-là et, en quelques mois, on est passé de cinq à plus de 20 personnes. »
Alors que nous pourrions imaginer que les ambitions de Morfo se concentrent seulement sur l’aspect environnemental de la reforestation, Pascal nous fait comprendre aussi toute la dimension sociale de leur activité : « Dès qu’on fait de nouvelles plantations, on prend vraiment en compte les gens qui vont vivre auprès de cette forêt. Il y a un chiffre qui est assez marquant : 1,2 milliard de personnes vivent au contact direct des forêts. On le comprend bien quand on se rend sur place, et les écosystèmes ont un impact direct sur ces personnes qui vivent là-bas. »
En concluant notre échange Pascal reconnaît être galvanisé par ce projet qui le dépasse : « On veut vivre sur une planète qui soit la plus belle possible, même en 2100 où tous les scénarios ne sont pas beaux, mais on a envie d'en rêver, on a envie que ça se passe ! Aujourd'hui, entre cinq et huit millions d'hectares sont reforestés sur la planète chaque année. D’après l’ONU, si on veut atteindre les objectifs qui ont été fixés, il faudrait reforester 80 millions d'hectares par an ! »
« On a besoin d’une vision ambitieuse pour réellement s'impliquer dans la lutte contre le changement climatique. »
Portrait réalisé par Dare Society