Simon Bernard, une ode à l’écologie et à la persévérance.

Simon Bernard, une ode à l’écologie et à la persévérance. 

Enfant de la mer, Simon Bernard a grandi en Bretagne. « Depuis mon lycée, à Trégunc, on voyait la mer. C’est mon contact avec la nature qui m’a façonné. »

Après son bac, Simon Bernard quitte ses terres bretonnes pour ses études. Il poursuit une classe préparatoire, puis intègre l’école de la marine marchande, l’ENSM : 

« Cette école m’a permis en 6 ans de devenir ingénieur et officier capitaine de la marine marchande. Le parcours est complet : nous sommes restés 3 ans à Marseille, pendant 1 an nous avons navigué et avons fini avec 1 an au Havre. » 

« À la base, je voulais être inventeur. J'ai toujours été passionné par l'idée d'inventer, de créer des choses. Puis en grandissant on m’a dit que ce n’était pas un métier…  Je me suis alors tourné vers la marine marchande parce que ça permet d'avoir, à mes yeux,  un métier hors du commun, où l’on touche à tout  : il y a de la mécanique, de l'exploration, de la navigation et surtout de l’aventure, et c’est ce qui m’anime depuis le début. »

Au fil de son parcours étudiant, Simon Bernard affûte également son sens de l’entrepreneuriat : 

« En parallèle de mes études, j'ai fait pas mal de projets étudiants. J'ai commencé avec un projet pour réutiliser les savons d'hôtel qui sont quasiment à usage unique. À Marseille, on  récupérait les savons, puis on les recyclait dans le sous-sol de l‘école. Ensuite, j'ai monté une équipe pour participer à un concours international, l’Hydrocontest. L'objectif, c'était d'inventer des bateaux du futur qui consomment le moins d'énergie possible. Donc, il fallait faire des maquettes de trois mètres de long, qui transportent 200 kilos, pour simuler les navires de commerce et passagers. On a gagné le prix de l’innovation ! Ce qui m'a conforté dans l’idée que j’aimais entreprendre, ce qui manquait dans mon métier de base. »

Mais c’est finalement lors d’une expérience en mer que Simon Bernard découvre véritablement son métier de rêve : 

« La combinaison de mon métier avec l’entrepreneuriat, je l’ai découverte en faisant un embarquement sur le Nomade des Mers, une expédition montée par Corentin de Chatelperron, qui est parti pendant six ans sur un petit catamaran afin de développer des low tech, qui sont des solutions simples, accessibles au plus grand nombre, pour avoir accès à l'eau, l'énergie, à la nourriture. J’ai rejoint pendant un an bénévolement l’expédition sur mon temps libre, entre le Maroc et Dakar. J’y ai développé un dessalinisateur, qui est un moyen de faire de l'eau douce avec l'eau de mer. »

Cet engagement sera révélateur, puisqu’il plantera la graine de l’ambition Plastic Odyssey :

« Durant l’expédition j'ai fait escale, en avril 2016, à Dakar. Là, j’ai vu du plastique partout, même sur la plage. En rentrant de cette expédition, j'étais en dernière année d'études et j’ai décidé de monter une expédition pour réduire cette pollution plastique. »

Après réflexions et échanges, Simon Bernard s’associe à Alexandre Dechelotte, un camarade de l’ENSM. Ils se lancent après leurs études dans le projet de Plastic Odyssey, qui a pour but de lutter contre la pollution plastique dans le monde, en particulier celle qui touche l’océan. Pour ce faire, Plastic Odyssey valorise les déchets plastiques en les transformant pour leur offrir un second souffle, et limite ceux qui n’ont pas encore vu le jour. Pour promouvoir cette démarche, les deux entrepreneurs ont décidé de réaliser une expédition autour du monde pendant 3 ans, dans un bateau propulsé par l’énergie issue des déchets plastiques.

Cette entreprise peut paraître vertigineuse quand on sait que chacun des deux entrepreneurs avaient un avenir prédestiné grâce à leur diplôme : 

« On avait une carrière toute tracée sur les bateaux, avec pour bureau l'océan. Mais on s'est retrouvés à Paris, à Bordeaux, à la Défense ou dans des incubateurs parisiens. C'était un peu inattendu, mais c'est ce qu'il fallait pour réaliser le rêve de l'expédition. Ça n'a pas été simple, mais ça a fini par aller. »

Pour Alexandre Dechelotte et Simon Bernard, ce projet démarre à plein temps en janvier 2017. Durant 6 mois, ils vont faire des recherches pour identifier ce que nécessite un tel projet, faire la preuve de concept…  

« Quand on est étudiants, on n'a pas de contacts, aucun réseau. il faut tout prouver. »

Pendant 2 ans, l’équipe se concentre sur la création d’un petit bateau qui leur permettra ensuite d’aller convaincre de futurs partenaires pour voir plus grand. 

« Le plus difficile, c’est de trouver des financements. C’est important de prouver que nous ne sommes pas que des rêveurs, que nous avons la capacité de faire ce que nous voulons. La persévérance, c’est ça qui fait que nous sommes encore là 5 ans plus tard. »

« il n'y a que le temps qui convainc, qui prouve la motivation et les nerfs qu’a l’entrepreneur pour continuer. »

Dès le début de l’aventure, les entrepreneurs parviennent à financer leur vision : 

« La première année, nous sommes parvenus à avoir des mécènes. Alexandre était en service civique, un statut qui lui permettait d'avoir un petit revenu pour travailler sur Plastic Odyssey. Moi, j'avais gagné un prix du ministère de l'Écologie, qui m’offrait un an de salaire payé pour faire un projet. Une situation rêvée. 

Au bout d'un an, on était autonomes parce qu'on avait trouvé nos premiers partenaires. Ça nous a permis de commencer à nous payer, à recruter des gens, aller chercher plus de partenaires et donc de passer à l’étape supérieure : acheter un bateau et partir. »

« C’est finalement en novembre 2019, que les choses sont devenues  plus concrètes, lorsque nous avons fait l’acquisition de notre navire, car nous ne pouvions plus faire marche arrière ! Il s’est d'ailleurs trouvé que notre choix de bateau était très mauvais. Comme on avait un pied dans la marine marchande, on pensait bien connaître le sujet, mais on s'est mal entourés et on a acheté un bateau plein de vices cachés, qui a failli couler le projet à plusieurs reprises. On a eu tous les problèmes du monde pendant 3 ans, qu’on n’a pas forcément raconté aux sponsors au début, sinon ils nous auraient lâchés. »

L'équipage prend enfin la mer en octobre 2022, d’abord pour un tour de la méditerranée, puis de l’Atlantique, avant de faire escale au Sénégal, en Guinée, et au Cap Vert. 

« C’est lors du départ de l’expédition que nous leur avons raconté toutes nos galères. Ce à quoi ils ont répondu :  « heureusement que vous ne nous avez pas tout dit, parce que sinon on aurait arrêté ». D'autres ont dit : « Il y avait l'échelle de Richter pour les séismes, maintenant, il y aura l'échelle de Plastic Odyssey pour les galères. ».  » 

Monter un projet est toujours une aventure périlleuse. Mais lorsqu’il s’agit de partir en expédition sur plusieurs années, le défi à relever n’est plus le même. Lorsqu’on interroge Simon Bernard sur les difficultés qu’ils ont pu rencontrées,  la réponse est sans appel : 

« Le plus compliqué, c'est de trouver l'équipe, d'identifier les bonnes personnes qui vont comprendre le fonctionnement particulier de l’expédition. D'un côté, on a des marins qui sont habitués à des grands navires, où les gens sont spécialistes des bateaux, connaissent leurs caractéristiques et ont six mois de vacances. Et de l'autre côté, on a une équipe embarquée de non-marins, qui ont une culture d'entreprise classique, qui ne connaissent pas les bateaux, qui n'ont pas autant de vacances, mais qui ont des week-ends. Donc, on a deux mondes qui s'affrontent. Et c'est ça le plus dur. »

« On est 20 à bord. Il y a forcément plein de choses qui ne marchent pas, il faut s'adapter, rebondir. »

Sur le plan pratique, Simon Bernard et son équipe subissent aussi des difficultés pratiques liées intrinsèquement à leur moyen de transport, la navigation. Comme, par exemple, la question des différentes législations appliquées par chaque pays : 

« Quand on arrive dans un nouveau pays, on arrive soit dans des ports de commerce, où il est très difficile d’obtenir l’accès mais qui sont très sécurisés. Soit on est dans la ville, où c’est plus facile d’accès mais en termes de sécurité, c'est plus compliqué car les gens peuvent monter à bord. Et puis, certains pays ou l'on s'arrête ne sont pas les plus sûrs. » 

Désormais, le Plastic Odyssey se trouve en Amérique Latine. Sur place, ils ont mis le cap sur le Brésil et la Guyane. Ils rejoignent maintenant Trinidad et Tobago, la Martinique, la Guadeloupe, la République dominicaine, le Costa Rica… Ce passage sera suivi d’un cheminement vers le Pacifique, en Asie, avec un retour prévu 3 ans après le départ, à Marseille. 

Pour la suite de l’aventure, Simon Bernard a une vision claire : 

« Avec Plastic Odyssey, on a déjà amorcé la suite, car nous nous chargeons de tout le suivi des escales qu’on a fait.

Les escales nous permettent de planter une petite graine, de construire une communauté et d'aller inspirer un maximum de monde à monter des projets dans différents pays. Derrière, il y a le suivi, à la fois de la communauté, et parfois plus poussé, lorsqu’on va jusqu'à implanter des usines, puisque nous avons développé des micro usines dans des containers. On en a installé trois en Afrique et on a une équipe dédiée à cette usine qui va être autonome, indépendante de l'expédition et qui aura vocation à installer d’autres usines de recyclage et à créer des réseaux d'entrepreneurs du recyclage en Afrique dans un premier temps et puis sur les autres continents.

En parallèle, nous avons une partie associative de sensibilisation. Et puis, on a tout ce qui a trait à la  production de contenu média. Puisqu'en fait, on a quasiment une boîte de production à bord du bateau : on produit un documentaire pour Canal+, on crée une web série, on a aussi beaucoup de presse écrite, de gestion de réseaux sociaux... On crée beaucoup de contenu grâce à ce bateau. Ce qui pourra potentiellement continuer par la suite. L’aventure ne s'arrêtera pas dans deux ans, c'est sûr. Donc le futur se conjugue toujours avec Plastic Odyssey. »

Aujourd’hui, fort de son expérience avec Plastic Odyssey, Simon Bernard porte un regard plus expérimenté sur les mutations écologiques que l’on vit : 

« Face aux enjeux écologiques qui se dessinent, j'ai une vision assez pragmatique et cartésienne. Je me rattache davantage au concret, aux chiffres. Souvent, je m'aperçois que ce qu'on raconte est éloigné des chiffres, ou alors on va parler d'une solution ou d'un problème qui ne représente qu’1% de la réalité, alors qu'en fait il faudrait d'abord s'attaquer aux 80% les plus faciles. 

On met beaucoup d'émotions dans la lutte climatique, et nous sommes freinés par des biais cognitifs, liés au fonctionnement du cerveau. 

Il y a des gens qui passent leur temps à trouver des problèmes aux solutions. Je préfère réfléchir à trouver des solutions. Sur l'écologie, il y a plein de problèmes, et nous n’avons toujours pas trouvé la recette idéale. Mais la conclusion, c'est que chacun doit agir comme s'il avait les pleins pouvoirs de faire changer le monde à son échelle. Nous passons notre vie à rejeter la responsabilité sur les autres, ce qu’on appelle le triangle de l’inaction : les citoyens consommateurs, les entreprises et les régulateurs se renvoient la balle. C’est pour ça qu’avec Plastic Odyssey, on essaie. 

Chaque jour, on essaye de trouver comment parvenir  à inspirer, à montrer des solutions, à mieux faire comprendre ce sujet de la pollution plastique, de l'environnement, par nos actions ! »

Portrait réalisé par Dare Society