Simone Strickner : l'artiste à la tête du Cours Florent

« N’attendez pas que le téléphone sonne, la vie ne se construit pas ainsi… »

Comme elle a toujours rêvé de la France et de la langue française, elle a donc poursuivi ses ambitions jusqu’au bout pour devenir comédienne, professeure et aujourd’hui à la tête du Cours Florent, qui a fait émerger d'incroyables artistes et personnalités : Francis Huster, Muriel Robin, Gad Elmaleh, Vincent Lindon, Pierre Niney, Alexandra Lamy, entre autres. 

Rencontre avec Simone Strickner, fraîchement nommée directrice du cours Florent et qui dispose déjà d’une vision novatrice pour cette prestigieuse institution.

Son coup de foudre avec l’art a commencé dès son jeune âge. Simone était une petite fille, qui vivait dans les montagnes, et qui se passionnait pour les langues. Elle rêvait d'abord de devenir journaliste afin de parler du monde, et de l'humain. Puis, elle découvre le théâtre, comme ultime moyen d'expression et de regard sur le monde. 

Au début de l’entretien, la comédienne autrichienne, revient sur la force d'avoir une artiste à la tête d’une école de théâtre. Simone est passée par les différentes catégories de cette école : élève devenue comédienne, puis professeure...

« Je suis là pour essayer d’apporter une vision assez complète sur notre action dans le quotidien, en essayant de me mettre à la place de l’élève que j’étais, ou alors à la place du professeur, que ce soit dans le fonctionnement de la maison ou dans l'organisation. Je trouve que c’est important d’avoir une vision artistique pour la maison et construire avec les pédagogues et les élèves pour pouvoir entrer dans un échange permanent, c’est ça qui est magnifique dans une école d’arts : c’est ce fait de savoir se réinventer sans cesse… »

Savoir se réinventer sans cesse, c’est l’enjeu principal du mandat de Simone Strickner à la tête du cours Florent. Une nouvelle page qui s’ouvre, la page de l’internationalisation et de l’ouverture pour se rapprocher des passionnés du théâtre et leur donner l’occasion de s’exprimer dans différentes langues et dans différentes régions du monde :

« Je suis là parce que je veux avoir une expérience créative ! Ce qui me motive, c’est de pouvoir laisser une trace. Actuellement, j’ai très envie de développer des partenariats à l’international. Je ne sais pas si vous le savez, mais nous pouvons aujourd’hui étudier au cours Florent en anglais, en français et en allemand. 

J’ai créé cela à une époque où j’étais professeur dans cette institution, et ça reste encore le but, toujours pousser vers un parcours international, avec l’idée d’avoir de l’impact et des partenariats avec d’autres écoles et dans d’autres spécialités… Je veux que l’on s’insère dans des métiers existants et que l’on puisse pouvoir créer le spectacle dans toutes ses formes, je veux créer le spectacle de demain avec toutes les diversités et les nouveautés et c’est ce qui me plaît… »

Rêver toujours plus grand et faire quelque chose qui nous plaît. Ceci nous permettra d’avancer et de donner le meilleur de nous-même, sauf que rien n’est garanti et la passion à elle seule ne suffit pas. 

Pour Simone Strickner, « Le travail, c’est la colonne vertébrale de la réussite. » Et que le talent ne permet pas sans le travail, de faire carrière dans un monde incertain comme le monde du théâtre.

Aussi, notre artiste refuse toute vision archaïque de voir le monde artistique. Pour elle, l’art doit s’inscrire dans l’innovation pour ne pas stagner et rater l’occasion de se moderniser.

« (…) Je ne vois aucune contradiction entre le monde actuel, les réseaux sociaux par exemple et le théâtre. Il y a des moments où il faut se concentrer sur le théâtre en lui-même pour le maîtriser, mais il y a d’autres expérimentations qui nous permettent de nous intéresser aux nouvelles tendances et aux nouvelles modes (…) l’erreur serait de voir les choses d’une manière très classique, ce qu’il faut c’est d’avoir de l’agilité pour être dans la modernité. »

Cette quête de modernité et d’ouverture s’illustre chez Simone dans sa façon de gérer l’institution de la même manière qu’une entreprise et cela se concrétise dans sa vision du développement de l'héritage de François Florent, aujourd'hui détenu par le Groupe Galileo Global Education. 

Pour elle, l’ouverture est primordiale pour réaliser des échanges complémentaires avec les autres écoles du groupe. Faire des ponts avec les différentes disciplines est d'une grande richesse. 

« On fait partie depuis 11 ans d’un groupe, ce qui est une aventure assez incroyable pour une école de théâtre. Cela nous facilite les partenariats. Nous travaillons aujourd’hui avec des écoles de cinéma, ce qui est intuitif pour nos élèves et ça crée un réseau entre futurs réalisateurs et futurs comédiens, on a également un partenariat avec des écoles de mode pour les costumes, et même avec des écoles de graphisme pour les affiches. Nous essayons d’offrir plusieurs possibilités à nos étudiants au-delà du théâtre en lui-même. D’un autre côté, nous tentons de nous ouvrir toujours plus et d’être présents dans plus d’endroits, de pays ou de villes notamment : Paris, Bruxelles, Montpellier, Bordeaux (…) Cela nous permet de réaliser une expérience complète dans tous les sens, en essayant de rapprocher les gens du théâtre. Notre objectif reste celui que nous avons entamé depuis des années : l’international ! Nous avons 43 nationalités au sein de notre école et nous visons toujours plus. »

Simone Strickner n’oublie pas les différents échecs qu’elle a pu avoir et tous les obstacles qu’elle a pu rencontrer, mais cette artiste n’a jamais abandonné ses rêves et ce même lorsqu’elle a perdu sa place en France au moment de sa venue d’Autriche.

« L’échec pour moi, c’était l’année où je voulais venir en France, c’était l’année où l’extrême droite a pris le pouvoir en Autriche. J’étais retenue par le rectorat de Paris, j’avais un poste, mais suite à l’élection il y a eu des sanctions diplomatiques et ça m’a coûté ma place. Au début, ça m’a complètement sidéré et je l’avais reçu comme un échec parce que tout était mis en place pour que j’aille à Paris et que je commence à travailler dans le poste qui m’a toujours attiré. Ce refus m’a beaucoup troublé à l’époque, j’ai perdu mon poste, mais je suis quand même partie et j’ai fait autre chose qui était très bien, je n’ai pas laissé les autres prendre mon rêve et je ne suis pas restée à ne rien faire ou à faire n’importe quoi. »

 Simone Strickner met les échecs dans la case des aléas de la vie et elle considère qu’il y a toujours du positif à tirer :

« (…) Il faut toujours se dire que même si on n’est pas pris dans quelque chose que l’on voulait, cela fait partie de notre carrière et ça nous fera mûrir. Ce qui est fondamental , c'est de toujours avoir de la résilience en tant qu’artiste, et ne pas se dire que si ça ne passe pas quelque part, c’est que ça ne passera jamais ! Il faut mettre en place un chemin, bien s’entourer, et toujours se dire que s’il y a des échecs, c’est normal et ce qu’il faut, c’est être capable de relativiser ses échecs et apprendre de ceux-ci, les aléas de la vie, c’est comme ça parfois, nous devons savoir gérer et se dire que si l’on ne rentre pas par la porte, il faudra penser à rentrer par la fenêtre et ce n’est pas parce qu’on nous dit non qu’il faudra changer ses ambitions… »

 Interview réalisée par Julien LATOUCHE.