Théo Hoenen : sa vision du futur de la surveillance aérienne

Originaire d’Alsace, Théo Hoenen y passe son enfance, jusqu’à l’obtention de son baccalauréat. 

« J'ai toujours été extrêmement intéressé par les sciences, la technologie et en particulier l'aérien et l'aérospatiale. Quand j'étais petit, je voulais être pilote de ligne, comme tous ceux qui ont fait de l'aérien par la suite. » 

En débutant ses études supérieures, Théo Hoenen décide pourtant de se réorienter. Il se rend compte en école d’ingénieur que le monde de l’aérien est très polluant : « Ça entrait en contradiction avec ma prise de conscience environnementale. À force de concepts et d’idéation, je suis arrivé sur des solutions plus écologiques. »

Cette réorientation s'opère alors que sa fibre entrepreneuriale était déjà présente : « Le premier projet un peu original dans lequel je me suis lancé était la création d'un serveur sur le jeu Minecraft. J'ai lancé ce serveur parce que personne ne réalisait ce que j'imaginais. Mon inclination à entreprendre est donc née de ma curiosité naturelle et de mon désir de concrétiser ma vision. »

Après ces études en école d’ingénieur, Théo Hoenen rejoint l’Université de Berkeley en Californie, où il co-fonde son projet Hylight. 

« L’environnement est un facteur important pour sauter le pas dans l’entrepreneuriat. Et j'ai eu la chance d'étudier dans une école où l'entrepreneuriat était encouragé et valorisé. Aussi, à ce moment-là, les ressources sur le net ont commencé à se développer. Donc ça nous a permis de trouver de quoi nous développer. » 

Hylight, c’est une solution de dirigeable à hydrogène, capable d’effectuer des missions de surveillance aérienne. Les quatre fondateurs de l'entreprise ont conçu le concept de ce projet après avoir rencontré des gestionnaires d'infrastructures de lignes électriques. Au cours de ces entretiens, ils ont pris conscience de l'absence de moyens techniques pour assurer la surveillance des sites.

« J'étais choqué d'apprendre que la grande majorité des opérateurs d'infrastructures énergétiques utilisaient toujours des hélicoptères. On a l’impression que les drônes ont tout remplacé mais c’est faux. 

Et c'était une assez grosse claque de se rendre compte que tant de carbone est encore émis. » 

Cette prise de conscience se concrétise rapidement dans l’esprit de l’équipe : « Quand tu fais le calcul bout à bout, ça fait quelques milliers, voire dizaines de milliers de tonnes de carbone par entreprise. J’avais l’impression d’avoir découvert un secret. »

« La problématique c'est qu'il y a un certain nombre de choses dans notre monde physique qui ont besoin d’être inspectées, surveillées, cartographiées. Et il n’existe pas de véhicule adapté pour le faire de manière propre, efficace et précise. » 

« D'un côté les drones classiques manquent soit d’autonomie, soit de précision. D’autre part, les hélicoptères ont la charge utile  et l'autonomie, mais sont extrêmement polluants et coûteux. Nous avons les avions, qui présentent les mêmes contraintes. Finalement, il y a les satellites qui n'ont pas la précision nécessaire. Nous avons donc développé une sorte d'architecture de vol spécifique, avec la précision d’un drone classique,  qui nous permet de répondre aux besoins de surveillance aérienne existants. »

« Avec Hylight, on agit sur l'inspection des lignes électriques et des pipelines, mais les cas d’utilisations sont beaucoup plus variés : inspection des bâtiments pour détecter les passoires thermiques le plus rapidement possible et lutter contre le phénomène. On peut aussi travailler sur l’agriculture, que ce soit pour inspecter les champs, optimiser les apports en intrants, les besoins en eau, faire des relevés sur la qualité des sols… Il y a toute une partie de topographie, de cartographie. Par exemple, nous pouvons également cartographier un département pour un office de tourisme ou travailler avec des ONG sur des missions plus particulières… »

Afin d’initier l’aventure Hylight, l’équipe a commencé par interroger des spécialistes du secteur. 

« On était en terrain inconnu. Donc nous avons commencé par aller interroger des spécialistes. On a eu la chance de discuter rapidement avec des experts dans leur domaine, sur des points précis, que ce soit l'hydrogène, la technologie de dirigeable, la sécurité… Et nous savions qu’à la fin de chaque appel, il y avait la possibilité que notre projet soit démonté car on nous annoncerait une limite existante. »

« L’objectif c'était vraiment que le projet soit bulletproof. Donc nous allions interroger tous les gens qui avaient les armes pour défaire l’idée Hylight. Et cette démarche nous a permis de nous rendre compte que c'était possible. Donc on a cherché les premiers moyens de prototyper. » 

Selon Théo Hoenen, l’une des clef de leur réussite entrepreneuriale, c’est les rencontres, associées à une touche d’audace : « un truc qui a bien marché pour nous, c'est qu'on a eu du culot. Il y a plein de gens que nous avons contacté qui ne nous ont jamais répondu. Mais dans le lot, il y a beaucoup de personnes très intéressantes, qui elles, nous ont répondu. On ne se rend pas compte à quel point le culot, c'est rentable. »

« Au début d’une démarche entrepreneuriale, il y a cette étape magique où tu n'as rien à perdre. Donc prendre un refus, ce n'est pas grave. Tu vas t'en remettre.»

À force d’audace et de persévérance, l’équipe Hylight a l’opportunité de faire la rencontre de Marc Tarpenning, co-fondateur de Tesla et partner dans un fonds d’investissement à impact, qui est aujourd’hui Advisor de Hylight : « Au bout de trois mois d'acharnement pour obtenir son contact, nous avons fini par avoir une mise en relation grâce à l’un de nos professeurs. Nous avions rarement vu quelqu’un autant capable de réfléchir autour de notre projet et d'amener des pistes de réflexion. C’est avec lui qu’on a réalisé le potentiel que portait ce projet. »

« Je pense que la plupart des gens comme Marc Tarpenning aident les jeunes entrepreneurs parce qu’ils en ont réellement envie. Il y a un esprit « paid forward », d’autres les ont aidés quand ils étaient à notre place, donc ils veulent le faire à leur tour. »

Selon Théo Hoenen, l'un des principaux facteurs clés de succès pour Hylight est le rythme de développement du projet.

« La plus grande force du projet, c'est pour l'instant la vitesse.

On a toujours été extrêmement concentrés et on est toujours allés rapidement. Je pense que c'est la seule chose qui peut faire la différence. Si, par exemple, une autre entreprise se lance sur ce marché avec peut-être beaucoup plus de fonds que nous, la seule chose qui fera la différence, c'est la vitesse d'exécution. 

Être rapide doit être l’une des principales qualités de toutes les start-ups au début, qui vont réaliser des grandes choses ensuite. Elles doivent parvenir à des aboutissements plus rapidement que tout le monde.» 

Pour clore cet échange, nous avons questionné Théo Hoenen sur sa vision du processus d’entrepreneuriat : 

« Ce n'est pas qu'il ne faut pas se poser 1 000 questions, mais il faut poser 1 000 questions aux bonnes personnes. 

Lorsque tu démarres un projet, il y a peu de chances que tu aies tout le recul nécessaire pour savoir si c'est une bonne idée ou pas. Il faut parler aux gens autour de soi, discuter avec eux. Il y a un peu cette crainte de la part des gens qui viennent de démarrer, qui se disent « Mais si j'en parle, on va voler mon idée ».  En réalité, ça ne se passe que très rarement. Il ne faut vraiment pas hésiter à se nourrir de l'expertise des autres. »

Portrait réalisé par Dare Society